L'éveil écologique d'une génération

05/10/2019 18h40 Société
Grèves scolaires pour le climat, manifeste étudiant pour un réveil écologique, élections européennes… ces derniers mois nous ont prouvé la force mobilisatrice d’une classe d’âge régulièrement décrite comme indolente et apathique. Retour sur ces phénomènes politiques et médiatiques qui semblent dégager une tendance bien plus profonde.

Août 2018. Marquée par les feux de forêts qui ont embrasé son pays, Greta Thunberg, écolière de 15 ans, décide de camper devant le parlement suédois pour enjoindre ses élus à se conformer aux Accords de Paris. Pour atteindre le fameux engagement de maintien de l’augmentation de la température moyenne en deçà des 2 degrés, la jeune suédoise plaide pour la réduction des émissions de carbone et la modification du mix énergétique au profit des énergies renouvelables. Une photo de la jeune activiste avec sa pancarte « grève de l’école pour le climat » devient rapidement virale et initie un mouvement mondial.

« Le niveau de la mer s’élève, nous aussi »

Pays-Bas, Australie, Canada, Allemagne, Belgique, France… les grèves scolaires pour le climat se multiplient. Inspirée par la gravité du message de Greta, la jeunesse est dans la rue. Lycéens et étudiants défilent dans la rue chaque vendredi, défiants avec insolence les remarques d’une classe politique vieillissante et parfois légèrement à côté de la plaque. Argument d’autorité s’il en est, les étudiants sont rejoints par des chercheurs : des lettres ouvertes de centaines de scientifiques anglais puis francophones engagent les jeunes étudiants à s’unir lors d’une mobilisation internationale. La date du 15 mars 2019 est retenue. Ce jour-là plus de 2 000 mobilisations sont organisées dans 123 pays. L’exploit international est reconduit le 24 mai 2019.

Mais que se passe-t-il avec cette génération ?

Février 2019. Rompus par le frottement quotidien à une succession de chiffres accablants et froids sur les conséquences du changement climatique, des élèves du plateau de Saclay (Polytechnique, HEC, Normale Sup, Centrale Supélec et AgroParisTech) publient un réveil écologique. Ces jeunes élèves en sortie d’étude, futurs travailleurs, s’engagent à se « tourner vers les employeurs qu’[ils] estimeront en accord avec [leurs] revendications exprimées dans ce manifeste ». Des employeurs s’inscrivant dans une démarche environnementale et sociale, respectueux de leur environnement et intégrant la finitude des ressources dans leur système de production. L’objectif de ce manifeste est de créer un élan collectif pour « changer un système économique en lequel nous ne croyons plus » et engager leurs futurs employeurs dans une démarche pérenne, loin du greenwashing jusque-là usité.

« Nous, étudiants en 2018, faisons le constat suivant : malgré les multiples appels de la communauté scientifique, malgré les changements irréversibles d’ores-et-déjà observés à travers le monde, nos sociétés continuent leur trajectoire vers une catastrophe environnementale et humaine. »

Ce manifeste étudiant dépassant rapidement les 30 000 signatures révèle une tendance de fond confirmée par les derniers résultats aux élections européennes. En mai 2019 les Verts européens ont en effet recueilli le plus gros de leur voix chez les moins de 35 ans. En France, Europe Ecologie les Verts (EELV) recueille 28 % des votes chez les 25-34 ans et 25 % des votes des 18-24 ans. Ces résultats vont à rebours des études de participation électorale démontrant chaque année la faible implication des citoyens les plus jeunes. La jeune génération multiplie donc son répertoire d’actions en faveur de l’environnement : participation électorale, mobilisation de rue, consommation citoyenne, etc. Autant qu’actions qui engagent les employeurs à modifier leurs pratiques.

Un rapport au travail modifié

A l’image des baby-boomers qui ont impacté leur époque, notre génération est amenée à modifier en profondeur le rapport au travail. Aujourd’hui 50% de la population mondiale a moins de 30 ans. Par un pur effet numérique, tout changement de construction de pensée aura un impact assuré sur l’ensemble de la population.

S’il est bien un concept inopérant en sociologie c’est celui de génération. A chaque classe d’âge l’ambition d’être celle qui marquera l’Histoire. Strauss et Howe, historiens américains, abordent le sujet générationnel en définissant des cycles structurés par des périodes de crises et d’éveil spirituel. Chaque génération serait le produit d’un contexte social, économique et politique qui modifie ses pratiques et ses schémas de pensée.

« Génération Y », « digital natives », « millennials », « génération numérique » … Le dénominateur commun de ces appellations est qu’elles s’inscrivent dans ce que le prospectiviste Jeremy Rifkin appelle la 3ème révolution industrielle : celle des Nouvelles Technologies de l'Information et de la Communication (NTIC).

L’accès immédiat à l’information améliore le rapport au savoir des plus jeunes. La jeune génération se veut garante d'un nouveau modèle d'entreprise.

Vers une quête de sens: trouver son entreprise responsable

Si le savoir a changé de camp avec l’apparition du numérique, les jeunes générations ont un rapport à l’autorité et à la hiérarchie en décalage avec leurs ainés. Le « sujet Y » en entreprise serait ambitieux mais fainéant, motivé mais désinvolte et surtout prétentieux. Mais la sortie du Manifeste pour un réveil écologique a poussé certains grands groupes à passer à la vitesse supérieure. Les jeunes sont surtout plus vigilants quant à leurs motivations et leur équilibre de vie. Selon une étude Opinion Ways, 70% des 18 – 30 ans placeraient le critère du « sens » parmi les quatre critères principaux de décision pour leur futur emploi. 

Ces chiffres démontrent un décalage entre les attentes des jeunes diplômés et les offres d’emploi. De quoi donner du grain à moudre à des sites de recherches d’emplois créés par des jeunes pour des jeunes…

Pour signer le Manifeste

Sixtine

Plus d'articles