La semaine de 4 jours : faut-il sauter le pas ?

06/12/2022 15h32 Société
La semaine de 4 jours fait partie des sujets RH centraux en ce moment. En France, les entreprises paraissent encore quelque peu réticentes à sauter le pas : moins de 5% des employés français sont passés à des semaines de travail réduites. Mais chez nos voisins européens, la méthode est davantage développée. La Belgique, le Royaume-Uni, l’Espagne ou encore l’Islande ont déjà intégré la semaine de 4 jours dans leur organisation du travail.

Cet engouement amène les recruteurs à se questionner : quels résultats peut apporter la semaine de 4 jours dans les entreprises françaises ?

Pour apporter des éléments de réponse à cette question, nous avons regroupé trois avantages et trois inconvénients souvent cités lorsqu’il est question de la semaine de travail réduite.

 

La semaine de 4 jours, de quoi s’agit-il exactement ?

De plus en plus d'entreprises envisagent un passage à la semaine de 4 jours voire mettent en place des périodes de test. Mais de quoi est-il question exactement? 

L’histoire de la semaine de 4 jours

Dès 1993, Antoine Riboud, le PDG de Danone exprimait que selon lui, toutes les entreprises devraient passer à des semaines de 32h pour favoriser le recrutement. Qui dit semaine de 32h dit répartition du travail sur 4 jours au lieu de 5.

La semaine de 4 jours est apparue en France à partir de 1996, avec la loi De Robien. Celle-ci permettait aux entreprises volontaires de tester des semaines à 32h pour étudier leur impact sur les recrutements. Selon une étude du Ministère du Travail sur les 400 entreprises ayant testé le dispositif en question, ce sont près de 1.5 millions d’emplois qui auraient pu être créés si l’aménagement du temps de travail avait été élargi à l’ensemble des entreprises du territoire.

Toutefois, les lois Aubry et les 35h de travail sont venues remplacer la loi De Robien au début des années 2000, mettant de côté les projets de semaines de 32h.

Pierre Larrouturou, ministre européen prônant la semaine de 4 jours, estime que pour créer de l’emploi, la semaine de 4 jours doit se limiter à un temps de travail de 32h. D’après lui, répartir 38h ou 35h sur 4 jours ne permet pas de créer de l’emploi : “quand la mesure ne crée pas d’emploi, c’est que les salariés n’étaient pas assez productifs avant sa mise en œuvre, ou que la durée réellement travaillée est supérieure aux 32 heures.

 

La semaine de 4 jours : une demande croissante de la part des travailleurs

Depuis la crise du Covid et les confinements, de nombreux travailleurs ont changé leur organisation au travail. Davantage de télétravail, horaires adaptés, modification de leurs méthodes de travail… ces dernières années ont vu de réelles transformations dans le monde du travail. Cette période a également révélé le souhait des travailleurs d’équilibrer davantage leur semaine entre vie pro et vie perso.

D’après un sondage ADP de mai 2022, près de 65% des Français sont favorables au passage à la semaine de 4 jours, pour plus de flexibilité dans l’organisation de leur travail. 57% des collaborateurs se disent d’ailleurs prêts à être moins rémunérés pour davantage d’équilibre vie pro / vie perso.

Des exemples de pays qui sont passés à la semaine de 4 jours

Certains pays ont déjà sauté le pas de la semaine de 4 jours depuis quelques années, avec toutefois des approches différentes.

En Belgique, les employés conservent le même temps de travail (et le même salaire) mais ont le choix de le répartir sur 4 ou 5 jours. La loi passée en septembre 2022 vise à créer de nouveaux emplois. Pour le moment, les entreprises peuvent accepter ou refuser la demande d’un passage à 4 jours, en justifiant toutefois leur refus.

L’Islande a quant à elle réalisé une expérience pilote entre 2015 et 2019. En réduisant les semaines à 35h au lieu des 40h de base, le pays a obtenu des résultats encourageants. Depuis, ce sont près de 90 % des travailleurs qui bénéficient d’une baisse du temps de travail ou d’autres aménagements.

L’Espagne elle aussi entamé une expérience pilote dans 200 entreprises pour des semaines de 32h à salaire égal pour la plupart, et avec réduction de la rémunération pour certaines.

En France, quelques entreprises ont déjà sauté le pas. Yprema est pionnière dans le domaine, puisqu’elle est passée aux semaines de 4 jours à la suite de la loi Robien, il y a plus de 25 ans. Les employés se sont vus proposer de passer de 39h de travail sur 5 jours à 35h sur 4 jours, sans réduction de leur salaire.

Chaque pays a une organisation du travail différente. Si vous cherchez une expérience à l'international, retrouvez notre sélection de job boards pour trouver un stage ou un emploi engagé à l'étranger.

 

Semaine de 4 jours : quels avantages à travailler un jour de moins ?

On l’a vu, tous les pays n’en sont pas au même stade concernant la semaine de 4 jours. Les entreprises ne sont par ailleurs pas toutes prêtes à sauter le pas. Quels avantages peuvent-elles avoir à permettre à leurs employés de travailler un jour de moins ?

 

Une augmentation de la productivité

C’est l’argument principal de la semaine réduite : l’augmentation de la productivité des employés. Nombre d’entreprises ayant testé la semaine de 4 jours se félicitent de cette amélioration. La société espagnole Software Delsol a vu son chiffre d’affaires augmenter de 20% depuis début 2022. Sur la même période, son taux d’absentéisme s’est par ailleurs réduit de 28%.

Les périodes de tests réalisées dans plusieurs pays montrent que grâce à leur journée de repos supplémentaire, les salariés récupèrent mieux et sont donc plus productifs lorsqu’ils reviennent au travail.

La semaine de 4 jours permet également d’améliorer l’équilibre de vie. Les employés qui ont testé cette organisation du travail se disent satisfaits du rythme qu’elle implique. En ayant une journée de repos supplémentaire, ils bénéficient de davantage de temps pour se concentrer sur des activités qui leurs procurent du bien-être.

La semaine de 4 jours permet également d’améliorer l’équilibre de vie. Les employés qui ont testé cette organisation du travail se disent satisfaits du rythme qu’elle implique. En ayant une journée de repos supplémentaire, ils bénéficient de davantage de temps pour se concentrer sur des activités qui leurs procurent du bien-être.

Cela favoriserait en outre l’autonomie et la prise d’initiatives chez les collaborateurs. En réduisant les semaines de travail à 4 jours, l’organisation de celles-ci sont appelées à être modifiées. Certaines entreprises ont d’ailleurs proposé à leurs employés des ateliers pour apprendre à gérer et prioriser ses tâches, afin d’être plus productifs au travail. Cette organisation incite également à mieux gérer les réunions afin de réduire leur nombre et leur durée pour ne garder que l’essentiel, et permettre aux salariés de travailler en autonomie sur leurs tâches. L’idée n’est pas de travailler moins, mais de travailler mieux.

Une plus grande fidélisation des salariés

De récentes enquêtes ont montré que plus d’un collaborateur sur deux accepterait une baisse de salaire pour permettre un meilleur équilibre entre sa vie professionnelle et sa vie privée. 84% des Français préfèreraient en outre passer à la semaine de 4 jours par semaine. Proposer une semaine de travail réduite permettrait alors de fidéliser ses salariés en leur démontrant que leurs besoins sont entendus et pris en compte.

Les employés d’entreprises ayant sauté le pas des semaines de 4 jours se disent en général plus satisfaits et motivés. Ils prennent davantage de plaisir à venir travailler, ce qui les motive à rester dans l’entreprise. En période de grande démission et de quiet quitting, un taux de turn-over réduit constitue un avantage appréciable.

Un moyen de se démarquer des autres entreprises pour les secteurs en difficulté

La marque employeur d’une entreprise n’est qu’améliorée par la possibilité de passer à une semaine de 4 jours.

Or depuis la crise du Covid-19, les candidats portent une attention toute particulières sur les conditions de travail. Une fois en entreprise, ils font également davantage attention aux red flags qui nuisent à leur bien-être au travail. La sélectivité accrue des candidats se répercute surtout dans les secteurs pénuriques. Comment se distinguer alors ? Certaines entreprises font le choix de passer à la semaine de 4 jours pour attirer les nouveaux talents.

Les secteurs de l’hôtellerie-restauration, l’IT ou encore du bâtiments, qui manquent particulièrement de candidats, optent régulièrement pour cette démarche. La semaine de travail réduite constitue alors un argument central pour attirer les talents dans les entreprises.

 

La semaine de 4 jours : les inconvénients à relever

Malgré les nombreux avantages cités précédemment, la semaine de 4 jours présente également des inconvénients qu’il convient de passer en revue.

Une nouvelle organisation du travail en période de test

Les nombreux avantages cités sont bien évidemment encourageants. Mais la méthode en est encore à ses débuts. Généralement proposée depuis moins d’un an, les entreprises manquent quelque peu de recul sur la semaine de 4 jours.

Nous l’avons vu plus tôt, les chiffres qui en ressortent sont dans l’ensemble très encourageants. Mais qu’en sera-t-il sur le long terme ? Les avantages de la semaine de 4 jours resisteront-ils sur la durée ? Difficile de le déterminer pour le moment.

En outre, tous les pays ayant réalisé des tests de semaines à 4 jours n’ont pas obtenu les mêmes résultats. En Islande, une des pionnières dans le domaine, les résultats sont majoritairement positifs et encourageants. Toutefois, en Suède, les résultats des tests ont été plus mitigés : le pays avait testé de réduire les journées à 6h de travail au lieu de 8h, sans baisse de salaire. L’impact sur les employés était positif, mais des critiques ont été faites concernant le coût de la mise en place de cette organisation à grande échelle.

Un flou qui entoure la durée temps de travail et le salaire

Passer à la semaine de 4 jours oui, mais avec quelle organisation ? Là où les Belges conservent la semaine de 35h, l’Espagne passe aux 32h. Certaines entreprises maintiennent le même salaire tandis que d’autres le réduisent… On retrouve presque autant de modèles que d’entreprises en test : difficile d’y voir clair.

Le manque de recul sur cette nouvelle organisation du travail ne permet pas aux entreprises de déterminer quelle organisation conviendrait le mieux à leurs équipes et à leur travail. La meilleure solution reste pour elle de tester une répartition du travail puis de l’adapter en fonction des retours des collaborateurs et des résultats obtenus. Or, peu d’entreprises sont prêtes à se lancer dans le vide avec le flou général qui entoure la semaine de 4 jours. Les recruteurs ne sont pas vraiment aidés pour sauter le pas.

Le système français : un modèle complexe difficile à modifier

L’organisation du travail à la française est en constante évolution. Entre les nouvelles réglementations, l’actualisation des conventions collectives, la gestion des congés payés et des absences, les déclarations sociales, cela peut en effrayer plus d’un. Une telle complexité le rend relativement strict et difficilement adaptable à de nouvelles organisations comme la semaine de 4 jours.

Le contrat de 32 h n’existe en outre pas sur le sol français. Les entreprises qui souhaitent réduire le temps de travail se retrouvent alors bloquées : il n’est pas possible pour elles de proposer aux employés un salaire et une cotisation équivalents à ceux de 35h.

Le droit français limite donc les possibilités de choisir le type d’organisation souhaité pour la semaine de travail réduite.

 

Conclusion

Globalement, la semaine de 4 jours a des avantages. Entre une meilleure productivité, une fidélisation des collaborateurs et une attractivité non négligeable pour les nouveaux talents, elle apparaît très séduisante.

Toutefois, les entreprises intéressées devront faire preuve de prudence et rigueur concernant le choix de l’organisation de leur semaine de travail réduite.

Et vous, seriez-vous prêt à passer à la semaine de 4 jours ?

 

 

Découvrir tous les articles How I Met Your Planet

 

 

Plus d'articles